La laisse de mer est un repère sur les côtes où existe le phénomène des marées puisqu’elle nous indique d’un seul coup d’œil jusqu’où les vagues sont montées à l’assaut des plages.
C’est cette bande d’algues que la mer laisse en haut de plage et qui s’accumule particulièrement aux marées d’équinoxe et lors des tempêtes. Elle comprend des rejets organiques d’origine naturelle, dégradable provenant des végétaux (algues, herbes, bois flottés, …), des animaux (plumes d’oiseau, os de seiche, capsule d’œuf de raie, de roussette, enveloppe d’œuf de buccin, carapace de crabe, coquilles variées, …), des minéraux (pierre ou galet, coquillages) … et sable. Ces rejets arrivent par la mer, le bois flotté pouvant provenir des terres par les fleuves ou ruisseau (cycle de l’eau).
Dans cette laisse de mer s’entremêlent souvent des rejets artificiels dont l’homme est à l’origine (plastique, verre, métal, papier, …). Ils arrivent par la mer, par les fleuves mais aussi par nos plagistes ou promeneurs négligents. Professionnels comme locaux et touristes sont concernés.
Rôles biologiques, de protection et utilisations de la laisse de mer
Cette laisse de mer est un lieu de vie pour les êtres vivants. C’est aussi un endroit où l’on va trouver des indices de vie concernant les animaux et notamment les capsules d’œuf de raie qui sont l’enveloppe ayant contenu l’œuf d’une raie ; en trouver permet d’avoir des données sur les lieux de ponte des raies, en voie de disparition (voir article ci-contre).
Nourriture
Les algues conservent un microclimat frais et protégé des ultras violets solaires. Elles abritent et nourrissent des espèces typiques de ce milieu tels que les puces de mer, les petites mouches de sable, de nombreux microorganismes et bactéries indispensables à la décomposition rapide de cette laisse de mer. C’est aussi la base d’une chaine alimentaire qui va de l’infiniment petit jusqu’aux oiseaux de mer et au poisson puis à l’homme qui mange du poisson. Ce sont toutes les ressources de la mer qui sont concernées.
Apport en sels minéraux
Les détritivores et les bactéries décomposent les algues et permettent l’enrichissement des eaux du bas de l’estran en sels minéraux. Ils sont indispensables à la croissance des algues, plantes marines comme la zostère et au phytoplancton, nourriture des alevins (zooplancton), animaux filtreurs (moules, coquilles, …) et poissons qui arrivent avec la marée en haut de l’estran pour y trouver une alimentation variée.
Un frein naturel à l’érosion des côtes
La laisse de mer piège le sable, fait barrage contre les vagues et freine le vent au sol lors des tempêtes ; elle en limite les effets. C’est une protection naturelle contre l’érosion.
Certaines espèces végétales de haut de plage dépendent de la laisse de mer
La décomposition des algues est aussi à l’origine de la matière organique et des sels minéraux nécessaires aux développement des plantes des dunes (c’est le même principe que le composteur dans notre jardin). Les plantes annuelles passent l’hiver sous forme de graine : la soude, l’arroche, la roquette et les plantes vivaces avec longues racines tel que le pourpier de mer ou l’oyat. Sans cet apport nutritif de la laisse de mer décomposée, ces plantes ne pourraient pas se développer et jouer leur rôle de stabilisation du sable après croissance par leur réseau de longues racines. Le développement de ces plantes freine l’érosion et participe au maintien des dunes embryonnaires et des dunes telles que celle de Caroual ou celle du Portuais qui ont tendance à s’effriter.
Pour certaines espèces d’oiseaux sédentaires (goélands, pipits maritimes ou l’essentiel des populations françaises vivant en Bretagne) nichant à proximité (gravelot à collier interrompu), et les migrateurs (tournepierre, bécasseaux, grands gravelots, courlis). Certains oiseaux profitent de la laisse de mer pour y faire leur nid. L’hiver, la température descend rarement au dessous de zéro au niveau de la laisse de mer. C’est une réserve de nourriture idéale pour bon nombre de petits oiseaux de nos haies et champs (grives, merles, pipit farlouse, alouette, bergeronnette, verdier, …) où le gel se fait sentir. Ils y trouvent encore de petits insectes. En avril et mai, c’est une halte pour la barge rousse, le courlis corlieu et en été, ce sont les petits échassiers (gravelots, bécasseaux, tournepierre) qui y picorent. Les humains récoltent encore le goémon pour amender les champs ou les jardins.
Préserver les laisses de mer : les enjeux
Faut il les ramasser ou non ?
Nettoyer mécaniquement les laisses de mer afin de présenter à nos concitoyens une plage propre semble utile uniquement lors des marées vertes en raison d’une eutrophisation induite par des excès de nitrates et phosphates agricoles, en provenance du jardinage et de certaines stations d’épuration, en phase de mise aux normes. Si ce ramassage mécanique intervient, il détruit toute la vie indispensable à la plage expliquée ci-dessus.
Souvent par méconnaissance, la laisse de mer semble sale et est rarement prise en considération. C’est pourtant un véritable milieu naturel lorsqu’elle n’est pas polluée. Elle joue un rôle très important et assure le bon fonctionnement des milieux littoraux pour une biodiversité indispensable à la vie.
La plage est un espace naturel, de loisirs mais pour rester vivante et préservée, au service de l’homme, elle a besoin de chacun d’entre nous pour garder la laisse de mer et tout ce petit monde qui y vit en harmonie. Tous ces être vivants contribuent à l’équilibre naturel de nos plages, ce ne sont pas des déchets. Ces rejets constituent une grande richesse pour que la vie s’y développe.
Un ramassage manuel des objets artificiels participera à la sauvegarde de ces espaces naturels dont nous sommes si friands mais ne remplacera pas le bon geste. Par contre, un effort de chacun pour réduire ses déchets et les mettre au bon endroit limitera le ramassage manuel, participera au respect des sites naturels que chacun affectionne et permettra de se concentrer sur d’autres thématiques.
Isabelle Carré