Comme chaque année en période hivernale, nos plages subissent une cure d’amaigrissement ! A partir du mois d’avril et jusqu’à la fin de l’automne, nos plages retrouveront leur niveau de sable maximum. Ce phénomène est toutefois plus ou moins important suivant les années. Les tempêtes, conjuguées à de forts coefficients de marée ont en effet tendance à amplifier le désensablement. C’est ce qui en train de se passer cet hiver 2017-2018.
Le 14 janvier dernier, nous avons été alertés par l’Association pour la Protection des Sites d’Erquy et ses Environs de la présence de dépôts brunâtres et d’irisations à l’est de la plage de Caroual, de part et d’autre de la cale de la Mascotte.
En nous rendant sur place, nous n’avons pu que constater ce phénomène déjà observé en 2014 et face auquel nous avions fait intervenir le CEDRE (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux) à qui nous avions fait parvenir un échantillon pour connaitre la nature de ces dépôts. Leur réponse était la suivante :
« Nous avons bien reçu l’échantillon provenant de la plage de Caroual qui est effectivement très noir et avec une consistance un peu grasse (argile). L’absence totale de solubilité dans un solvant confirme l’absence d’hydrocarbure. Il s’agit bien d’un sol riche en matière organique. »
Tout soupçon de pollution par des produits pétroliers était donc écarté.
Reste que cette année, l’apparition de ces amas de matière organique était cette fois-ci accompagnée d’irisations. Pour connaitre l’origine de ces irisations, nous avons souhaité réaliser des analyses supplémentaires de façon à déterminer la nature et l’origine des produits qui les composent. Des prélèvements ont été réalisés par le laboratoire LABOCEA de Brest le 16 janvier 2018.
Résultat de ces analyses :
- Concernant l’échantillon liquide, l’analyse effectuée par chromatographie en phase gazeuse couplée à un spectromètre de masse n’a pas permis de mettre en évidence des hydrocarbures dans l’échantillon ;
- Concernant l’échantillon solide (grandes plaques noires sur la plage), l’analyse chromatographique met en évidence une empreinte d’hydrocarbures naturels, indiquant bien l’origine végétale de l’échantillon et confirmant qu’il s’agit probablement de tourbe.
Dès réception du résultat des analyses, nous les avons transmis au CEDRE via VIGIPOL pour obtenir leurs observations :
La tourbe à une origine végétale, elle se forme sur de longues périodes de temps, dans les marais d’eau douce, par accumulation de végétaux morts se décomposant mal.
Les bancs de tourbe qui apparaissent sur les plages se sont formés lorsque les cordons dunaires ou de galets étaient plus bas et que derrière eux se développaient des marais. Il y a environ 15000 ans, après la dernière glaciation, la fonte des glaces a provoqué une remontée progressive du niveau marin (d’environ 100 mètres). Cette remontée a ennoyé des terres émergées et façonné le rivage actuel. Le réchauffement climatique peut expliquer une reprise de la remonté du niveau marin. Cependant, sur les plages, les sédiments sont régulièrement remaniés en fonction des conditions de mer. Le plus souvent l’hiver, les tempêtes érodent et entraînent les sédiments vers le bas de plage provoquant l’attaque des dunes ou l’apparition d’argile ou de bancs de tourbe qui sont les témoins de l’histoire géologique des sites.
En conclusion, la tourbe ne représente aucun danger, l’apparition de ces bancs est très fréquente sur le littoral français et à mettre en relation avec les épisodes de ces derniers mois.
Sur les photos (que nous avons transmises au CEDRE), on observe également de l’eau colorée par les oxydes de fer (suintement d’eau souterraine comportant du fer qui devient rouge au contact de l’air) et des irisations naturelles liées à la décomposition de la matière organique à l’abri de l’air (ce type d’irisation est très souvent visible dans les marais).
Jean-Paul MANIS
Adjoint à l’Environnement